Earthship : quand le vaisseau débarque en France

Après les peinture biosourcées du mois dernier, j’ai décidé de me laisser porter par cette vague « verte » en m’intéressant aux Earthship -ou géonef-.

Qu’est-ce que c’est ?

En 1972, Michael Reynolds lance un projet fou mais dans la mouvance de l’époque : imaginer un habitat autonome en énergie et en eau, écolo et fédérateur.

Il débute alors un chantier incroyable à Tahos au Nouveau Mexique. Les conditions climatiques y sont extrêmes.
Qu’à cela ne tienne :  les matériaux recyclés et l’architecture s’adapteront aux saisons pour capter de façon optimale l’énergie solaire et l’eau, malgré les forts contrastes dans cette région désertique.

Naissent alors les premiers Earthships, des vaisseaux à la « Mad Max », échoués en plein désert, fruits de l’imaginaire débridés des propriétaires de l’époque.

Des murs en pneus …

La spécificité de ces bâtiments reste l’étrangeté des matériaux.
Le mur au Nord est réalisé en vieux pneus emplis de terre et empilés. En tant qu’isolants, ils absorbent ou restituent la chaleur à la « masse thermique ». Des cannettes de soda recyclées servent à combler les espaces dans le torchis des murs, et des culs-de-bouteilles en verre à isoler certaines cloisons.

Les maisons sont généralement semi-enterrées dans la pente du terrain (naturelle ou pas). La façade au Sud est entièrement vitrée. On calcule l‘angle d’inclinaison pour permettre au soleil bas en hiver d’entrer au maximum à l’intérieur. En été, alors qu’il est au zénith, il effleure seulement la façade.

Cette façade justement permet de cultiver des fruits et des légumes comme dans une serre. Pas suffisamment pour vivre en autonomie mais assez pour récolter des bananes tout de même !

L’été, l’air chaud extérieur, capté au Nord à l’entrée des puits canadiens, se rafraichit sous terre avant de ventiler la maison.

Et l’eau dans tout ça ?

On a désormais suffisamment de recul pour savoir que la fourniture en eau n’est pas un problème dans ce type d’habitat, même au Nouveau Mexique.
L’eau de pluie est récoltée sur le toit plat en pente. On la filtre avant de la stocker dans des citernes. Des pompes l’amène ensuite dans le réseau.

L’eau grise (qui provient de la 1ère utilisation en cuisine et dans la salle de bain) est redirigée vers les plantes de la serre. Ainsi filtrée par les végétaux, elle est ensuite pompée pour alimenter les toilettes. Pour finir, l’eau provenant des toilettes est redirigée vers le jardin extérieur, pour la phyto-épuration au pied des plantes non comestibles.

En hiver, un fluide caloporteur fait fondre la neige et la glace du toit en circulant dans les gouttières.

L’idée fait de émules

Depuis les années 70, les façons de vivre ont changé, les matériaux aussi mais l’envie de vivre mieux et plus simplement est toujours d’actualité. Voilà pourquoi des Earthships (ou dérivés) naissent désormais sur tous les continents dont la France.

Le 1er habitat français  « officiel », suivi par Earthship Biotecture (l’entreprise fondée par Michael Reynolds), est sorti de terre en 2008 à Ger, dans la Manche.


Depuis, d’autres projets ont vu le jour en Bretagne, dans l’Oise ou dans le Sud par exemple.

Une famille a construit sa géonef à Biras en Dordogne. Pour plus de détails, suivez leur aventure de vie sur Facebook https://www.facebook.com/earthshipbiras/
Béton ciré au sol, cuisine équipée, le confort moderne y est. Et l’envie de partage aussi : on peut visiter cette maison quelques fois par an, voire la louer ou l’échanger lors de vacances.
Pourquoi pas.

Des limites ?

Pour ma part, l’idée d’enterrer des pneus me dérangeait.
Apparemment, des tests montrent que des pneus qui ont roulé plus de 10 000 km ne produisent plus de particules. Enterrés, à l’abri de la lumière et de l’air, ils ne se dégraderaient plus.
Afin d’éviter toute détérioration, il est tout de même préférable de poser un film d’étanchéité et de veiller à la bonne ventilation des lieux, pour évacuer d’éventuelles toxines.

Il existe d’autres études qui montrent que ce fonctionnement n’est pas vraiment adapté aux climats très froids. Mais nous sommes moins concernés en France ou en Normandie …
Et concernant le budget, pas trop d’économie par rapport à une maison « classique », donc ce n’est pas cette piste plus qu’une autre qui pourra convaincre.

Il est par contre indéniable que cette expérience crée du lien, permet l’échange des savoirs, des compétences, et aboutit grâce à l’entraide. Des valeurs importantes.

De plus, n’oublions pas que la plupart des matériaux dans nos intérieurs ont une nocivité sans doute égale au caoutchouc enterré. Bref, je revois ma réserve à la baisse, toute en restant éveillée !

Pour conclure …

Earthship ou pas, aujourd’hui, l’important est ailleurs.
Effectivement, en ces temps troublés, n’oublions pas que nous avons la chance d’avoir un toit.
Quand un seul homme peut décider de réduire en cendres des villes ukrainiennes ou que 300 000 personnes étaient sans domicile en France en Janvier 2022 (chiffre Fondation Abbé Pierre)…

Alors pro-fi-tons !

MARS 2022

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