Le Bleu de Nevers

Certains d’entre vous le savent, je ne suis normande que d’adoption. Je viens de Nevers en Bourgogne.
Les amateurs de confiserie connaissent peut-être le Négus et la Nougatine (allez tester les Négus et vous m’en direz des nouvelles …).
Les amateurs de films de cape et d’épée connaissent forcément la botte de Nevers (Daniel Auteuil et Jean Marais sont doctorants en la matière …).
Et les amateurs des arts de la table connaissent obligatoirement le Bleu de Nevers et la faïence éponyme.
Et vous devez vous en douter : je vais plutôt m’intéresser à cette dernière (j’ai arrêté l’escrime il y a bien trop longtemps !)

Un peu d’histoire

La faïence à Nevers, c’est une tradition qui date du XVIe siècle. Et c’est plutôt logique si on y regarde de plus près.
Géographiquement, le site réunit plusieurs conditions optimales pour cette activité.
Le bois des fours provenait des proches forêts du Morvan. Les argiles et les marnes étaient extraites de la terre. Et le commerce était facilité par la Loire qui traverse la ville, et qui est reliée à la Seine grâce au canal de Briare.

Les faïenciers italiens et lyonnais s’installèrent donc à Nevers dès la deuxième moitié du XVIe, sur invitation du Duc de Gonzague, devenu Duc de Nevers.
À son apogée, l’activité faïencière occupa plus de 500 personnes.
Naquit alors une tradition de faïences polychromes fleuries, qui traversa le temps et qui se démarqua grâce au célèbre Bleu de Nevers : une couleur profonde, sombre et dense qui ornait alors nombre d’aiguières et d’assiettes.

Mais …

… au fil du temps, force fut de constater que même si les maîtres faïenciers s’inspiraient des époques pour faire évoluer les motifs (ceux-ci furent même patriotiques après 1789), la faïence de Nevers passa de mode, concurrencée directement parla porcelaine et l’Angleterre. Grrrrr !

source faïencerie Georges


Et même si les faïenciers s’accrochent en relançant l’activité à la fin du XIXe, seules deux maisons subsistent encore en 2017.

Mais on ne se laisse pas faire par chez nous. On est maître dans l’art de l’escrime, oui ou non ?

La renaissance

Il fallait faire preuve d’originalité et de pugnacité pour redonner ses lettres de noblesse à cette tradition.
C’est ce qu’ont décidé de faire Carole Georges et Jean-François Dumont en 2010.



Héritière de la maison Georges (fondée en 1898 et reprise par ses aïeux en 1926), Carole Georges reprend donc le flambeau avec son mari. Elle à la peinture et lui à la terre, des envies plein la tête.

Ils re-dynamisent les motifs et bousculent les codes en s’inspirant de l’air du temps. Un coup d’œil aiguisé et sans cesse à l’affut leur permet de créer une ligne moderne et sobre, tout en conservant le savoir-faire et la culture de ce Bleu de Nevers inimitable.

Leurs créations sont inattendues, poétiques et surtout uniques. Le poinçon et les deux nœuds verts (De Nevers !) en attestent.

Ils créent et peignent des décors éclectiques et dans l’air du temps, inspirés du patrimoine industriel du département.
Malgré ce renouveau artistique quelque peu « ébouriffant » pour les habitués, le respect de la tradition leur permet d’obtenir le label Entreprise du Patrimoine Vivant : peinture à main levée sur émail cru, technique de l’oxyde de cobalt pour la couleur bleue si intense, émaillage à la main.

Reconversion réussie puisque Alain Ducasse utilise désormais leur série Abyss dans l’un de ses restaurants japonais.

Petite idée mignonne et originale : la collection “Monthly plate”. Chaque mois, une nouvelle assiette (en série limitée et numérotée) dévoile un nouveau motif, qui varie au gré de l’humeur et de l’inspiration de la créatrice.

Et enfin mon préféré …

… le service traditionnel qui laisse place à une véritable œuvre murale d’assiettes suspendues, sur lesquelles le motif se poursuit. Ces assiettes racontent une histoire et qu’est-ce qu’on aime ça !
Et tout cela avec une gentillesse naturelle et une passion qu’ils aiment partager, ce qui ne gâche rien.

Quand la faïence et le bleu de Nevers font peau neuve, tout en respectant la tradition : une vraie prouesse exceptionnellement réussie par la maison Georges. Chapeau !

atelier/boutique de Nevers – 7 quai de Mantoue
showroom à Paris – 18 rue Charlot – 75 003

lien https://www.faienceriegeorges.com/

photo d’ouverture : Youri Gavriloff

AVRIL 2022

Mentions légales